Ballade gourmade au Vietnam et en France
Cet ouvrage-là, un français aurait eu toutes les peines du monde à le faire publier, tant le risque d'être taxé de néocolonialiste eut été présent. Il aura fallu, qu'un Australien d'origine vietnamienne, cuisinier star dans son pays s'attaque au sujet pour m'apprendre que l'influence française au Vietnam ne s'était pas limitée à la baguette qui a donné le banh mi. Nous voilà en présence d'un très beau livre d'Hachette pratique, un bel achat de droits, que j'ai eu du mal à cerner au premier abord, car il manquait une partie du sous-titre original – « Finding France in Vietnam » – absence qui peut être expliquée par notre passé commun.
L'ouvrage à mi-chemin entre le carnet de voyage et le livre de cuisine suit la tendance amorcée par les éditions du Rouergue des recettes attachées à une histoire. Il propose un parcours qui débute à Hanoï, se poursuit à Da Lat ainsi que Saigon (notez qu’il ne va pas à Hô-Chi Minh Ville…) et se termine en France. Le tout est illustré dans un côté désuet assumé de photos d'époque sur fond d'aquarelles qui fonctionne très bien avec le papier offset-à-la-mode-chez-les-éditeurs-culinaires.
L'auteur explore les recettes de base et spécialités des trois premières étapes, mais outre les recettes classiques propres à chaque région (Phở, crabe cuit à la vapeur de bière – délicieux –, banh mi, canard fumé au thé vert, bœuf braisé à l'eau de coco, etc.), il illustre les recettes d'anecdotes et décrit son environnement. Ainsi, qui ne connaît pas Hanoï peut appréhender son côté suranné, la multitude de deux roues, leurs klaxons infernaux et ses rues perdues. À Dalat, on découvre les potagers où l'influence française est plus présente : choux, carottes, betterave, choux-fleurs, etc. C’est sans doute l’étape la plus intéressante en termes d’échanges culinaires. Saigon se démarque par une vie nocturne plus animée et une rencontre riche d'enseignement avec un cuisinier vietnamien.
L’ouvrage se conclut sur Paris et Marseille où les plats du terroir national sont revisités à la sauce vietnamienne : moules sautées à l'ail frit et au basilic thaï (facile et très bon !) ou encore maquereau au fruit de la passion et aux herbes vietnamiennes (idem). Le livre propose encore d'autres adaptations que je vous laisse le loisir de découvrir.
Par ailleurs, j'ai eu des scrupules à présenter ce livre plutôt que Paris Hanoï, recettes du Vietnam de Restaurant Paris-Hanoï et Charlotte Lascève, 25,90 euros chez Marabout. Non pas que l'ouvrage de chez Marabout soit mauvais, loin de là, mais celui de Luke Nguyen apporte, outre les recettes classiques, des fusions d'ingrédients bien pensées, un parcours original, des bribes d'histoires qui donnent envie d'y aller ou d'y retourner tant le pays est envoutant et déroutant.
Enfin, parce qu'aucun ouvrage n'est parfait, j'ai deux interrogations, j'aurais aimé une étape à Hué, quand bien même le sujet de l'ouvrage ne s'y prêtait pas, car on y mange très bien, et pourquoi n'y a-t-il pas de table des matières ?
Alors si vous ne pouvez pas voyager jusqu'à Hanoï cet hiver ou si vous y aller, achetez ce livre qui vous apprendra beaucoup sur une des cuisines les plus raffinée et digeste que je connaisse.
Indochine
Baguette et Banh mi
Luke Nguyen
Hachette pratique 35 €